Hydraulique et assainissement au Sénégal
Planification hiératique et gestion erratique (1960-2020)
Mame Demba Thiam[1] & Meissa Birima Fall[2]
Introduction
Au Sénégal, on note une faible part – des investissements – attribuée à l’Hydraulique et, de manière moindre, celle consacrée à l’Assainissement est mentionnée dans les nombreuses sources visitées pour réaliser ce texte, notamment les Plans de développement élaborés par les différents gouvernements depuis l’Indépendance, 1960, jusqu’à aujourd’hui, 2020. C’est en partie cette portion congrue qui explique le retard enregistré dans les deux secteurs, telle une maladie de naissance, de croissance et de développement. Dans les actions et réalisations infrastructurelles, à l’échelle nationale, et qui sont analysées ici, à l’aide de nombreux documents à l’appui, il apparaît que l’Hydraulique et l’Assainissement ont longtemps été considérés comme des éléments qui doivent être inscrits dans plus que le long terme, lorsqu’il s’agit des objectifs à atteindre. Certains projets ou programmes ont duré plus d’un demi-siècle (1963-2020) sans être mis en œuvre ou réalisés.
En effet, l’Hydraulique est une question majeure, d’un point de vue politique, qui est érigée en ministère, dit parfois de plein exercice, et cela à partir de 1963. Tandis que la position secondaire de l’Assainissement, dans la nomenclature gouvernementale, est enregistrée depuis sa naissance en 2003 sous le premier gouvernement du Premier ministre Idrissa Seck.
Au tout début des premières années postindépendance du Sénégal, les Plans de développement élaborés, de même que les projets et programmes qui les accompagnent, ont tenté de définir les deux termes que sont l’Hydraulique et l’Assainissement. En plus d’intégrer une nomenclature de développement, les notions attachées aux définitions, du point de vue technique, expliquent plusieurs chevauchements d’attributions. Ainsi, à visiter les dénominations des ministères, directions ou agences affectées en compétences à ces deux pans des politiques publiques, on mesure à quel point, il manque parfois d’harmonie dans les Plans ou programmes de développement.
Une sorte de chronique spatialisée rend compte du maillage territorial en matière d’hydraulique et d’assainissement. Les appellations ministérielles, surtout celles qui sont propres aux régimes politiques (1960-2020), rendent également compte d’une exploration méthodologique que nous souhaitons approfondir, tellement l’approche révèle une complexité que ce texte n’a pas pu atteindre de manière globale. En effet, les différents gouvernements socialistes (1960-2000) avaient une priorité basée sur une approche du développement rural, en dichotomisant l’hydraulique pastorale et rurale (puits, forages) de l’hydraulique urbaine (programme du Lac de Guiers). Alors que la deuxième phase politique dite libérale (2000-2012), et celle en cours (2012-2020) suit une tentative de réponse calquée sur une forte démographie accompagnée par l’émergence de centres urbains qui ne cessent de manifester des sollicitations démesurées en matière d’hydraulique et en demande d’assainissement de moins en moins satisfaite (voir les infrastructures de Keur Momar Sarr[3] (Kms) notées Kms2 & Kms3.
Les variables de l’Hydraulique et de l’Assainissement propres aux deux périodes politiques (socialistes et libérales) sont prises en compte dans ce travail. La croissance démographique a ralenti nombre de prévisions. Cependant, des variables nouvelles, tels les paramètres propres aux changements globaux et particulièrement, celles dites climatiques avec la pluviométrie en péjoration, la réduction des écoulements (fleuves, rivières temporaires) et l’augmentation des volumes d’eau en stagnation dans les villes (inondations) ainsi que leur réduction dans les dépressions naturelles (lacs ou étangs) amènent d’autres situations qui ont hypothéqué l’atteinte des objectifs passés, par relégation, à des termes repoussés de manière prospective vers les horizons 2000, 2025, 2035 et 2050.
Méthode d’analyse
L’analyse s’appuie sur la synthèse d’une riche littérature grise avec des statistiques officielles et des textes produits par les principaux partenaires au développement.
En tête de pont, il y a les plans de développement qui ont été renforcés par les décaissements (lois de finances) qui sont des éléments de preuve qui soutiennent les projets dont certains lancés, depuis plus d’un demi-siècle, n’ont pas encore été réalisés.
Les sources qui ont permis de produire cette étude ont été renforcées par une importante documentation composée d’éléments d’archives notamment les plans de développement économique et social, les budgets d’exécution des différents gouvernements et les textes publiés au Journal Officiel du Sénégal (JO) et qui concernent les fonds effectivement alloués aux réalisations en rapport avec l’Hydraulique et l’Assainissement. En plus des documents officiels, il s’y ajoute les productions scientifiques spécialisées (livres, thèses, mémoires et autres études) auxquelles s’ajoutent les nombreux rapports de programmes ou projets, ainsi que bien des démembrements étatiques, tels que : le Conseil économique et social (CES), puis Conseil économique, social et environnemental (CESE), l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) et qui sont dédiés aux questions relatives à l’Hydraulique et à l’Assainissement.
A cette littérature, s’ajoutent aussi les différents discours dits déclarations de politique générale prononcés par les premiers ministres du Sénégal (de Abdou Diouf – 1970 – à Mahammed Boun A. Dionne, 2019). Les publications des bailleurs de fonds (AFD ; BM, BAD, BOAD, Enda-TM, FAD, FAC, FED, FOSIDEC, KFW)[4] et d’autres partenaires de la coopération internationale : UE, USAID, JICA et la coopération chinoise suivant les échelles étatiques et communales. L’ensemble constitue un corpus. Il permet d’expliquer des situations locales, en demeurant de grandes problématiques du développement, et présente des insuffisances lorsqu’on considère les minima relatifs à l’hydraulique et à l’assainissement qui aident à apprécier le bien-être social depuis l’Indépendance en 1960.
Politique publique
L’Hydraulique et l’Assainissement, tels qu’ils sont abordés dans cette étude, concernent les dimensions relatives au pilotage des politiques publiques, des réalisations infrastructurelles et de gestion à forte connotation tensionnelle.
L’Hydraulique peut être diversement considérée et appréciée au plan technologique par la maîtrise d’une alimentation en eau potable suivant un process admis à l’échelle planétaire et dédié à des communautés segmentées entre citadins et ruraux. Et par analogie, on a noté, au fil des années, le passage de l’Hydraulique pastorale et rurale à l’Hydraulique urbaine (voir IIIe plan, 1969-1973).
De même, l’Assainissement s’inscrit dans une dichotomisation à l’adresse démographique et en deux composantes lorsqu’il s’agit de répondre relativement à une demande par une composante prenant en charge l’assainissement liquide et une autre branche qui s’occupe de la gestion des déchets solides, notamment les ordures ménagères. On peut résumer le dilemme conceptuel face à la pollution qui permet une certaine approche par proposition hiérarchique dans les villes et en milieu rural. L’offre de prise en charge obéit à l’exposé des motifs de la demande. En effet, les stratégies de réponse entrent dans la complexité des questions amenées par deux problématiques de développement qui présentent des tares de naissance. Celles-ci expliquent l’évolution en gestion erratique (Thiam 2013) difficile à rattraper par à-coups de palliatifs, ce qui signe une confusion dans le déni d’échecs des politiques publiques qui s’ajustent de gouvernement en gouvernement depuis 1960.

Dès le plan III (1969-1973), la perspective de l’An 2000 est évoquée à la suite dans tous les plans de développement du Sénégal (Graphique 1).
Sous le régime du Président Abdou Diouf (1980-2000), on notait la prospective 2035 comme année butoir pour voir le développement escompté, en matière d’hydraulique et d’assainissement.
Sous le règne du Président Abdoulaye Wade, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), en matière d’hydraulique et d’assainissement, concernaient le terme fixé à 2050.
Et enfin, la prospective propre au « Plan Sénégal Émergent » du Président Macky Sall (2012-2020) a repoussé l’Assainissement global vers les horizons 2035 et l’alimentation en eau à un niveau universel pour les zones urbaines du Sénégal, notamment à court terme en 2020-2022 et une perspective à plus long terme (2035), quant au monde rural en suivant la forme de l’hydraulique rurale (Graphique 1).
Plans, projets et programmes
A partir de 1960, les besoins ont été consignés dans le Rapport du Cinam-Seresa, réalisé en 1959. Ils commandent en matière d’hydraulique la réalisation d’unités élémentaires tels que les forages, les puits-forages et l’aménagement des points d’eau pour l’abreuvement des bêtes. Cette démarche a guidé l’orientation des Plans de développement qui sont partis de peu d’ambition en raison d’une forte ruralité (70%) et dans un contexte de démographie globalement faible pour l’ensemble du Sénégal (3 000 000 d’habitants).
Les visions socialistes de Senghor à Abdou Diouf introduisent le projet de maîtrise hydraulique qui amène l’eau depuis le lac de Guiers jusqu’à la capitale Dakar. Ce n’est que par la suite qu’est initié le programme de maîtrise hydroélectrique avec les deux projets de réalisation des barrages sur le fleuve Sénégal.
Quant à l’assainissement, la structure démographique influence également les options qui, à l’image de l’hydraulique, est moins ambitieuse dans sa prospective. Déjà, de ce qu’il résulte de l’héritage colonial (en 1959), l’exemple de Pikine, grande banlieue de la capitale Dakar, renseigne sur le défaut d’assainissement. En effet, moins de 10% de la ville bénéficiait d’un système d’assainissement régulier, taux porté à 90% en 2012, même si le système individuel est globalement considéré comme tout-à-fait rudimentaire (Cf. infra).
Dans l’ensemble, les différents programmes nationaux qui sollicitent les bailleurs internationaux vont privilégier l’alimentation en eau plus que l’assainissement. Le moindre souci affecté au besoin d’assainissement est renforcé par le déficit pluviométrique qui touche le pays. Ainsi, avec le réveil de la croissance démographique à l’aune de l’équilibre ville – campagne proche de 50% pour chaque groupe au début du XXIe siècle, l’assainissement apparaît à cet instant comme un indicateur faible du développement [5].
L’extension du bâti dans la capitale, au sein des villes secondaires et surtout à Touba, profite aux périphéries. En fait, l’opposition entre les deux types d’habitats urbains – réguliers ou irréguliers-, et ruraux, révèle le défaut prévisionnel et de management. Cette situation est renforcée par les différents programmes d’alimentation en eau subventionnés et appuyés par le programme sectoriel eau (PSE), le programme eau à long terme (PELT) soutenu par la Banque mondiale et les autres bailleurs qui ont encouragé l’alimentation en eau potable sans appuyer de manière renforcée l’assainissement. On enregistre des programmes de faibles envergures qui renseignent davantage sur les déséquilibres notés dans les relations villes-campagnes et au sein des villes quant aux antagonismes forts qui existent entre quartiers réguliers et irréguliers.
Le rôle des bailleurs est un ensemble de mesures comparatives qui opposent la pratique dans les pays moins développés avec une maîtrise hydraulique et les sites d’habitat loin des minima de génie civil en ce qui concerne l’alimentation en eau et l’assainissement. Aux données géotechniques s’ajoutent les conditions environnementales inscrites dans les changements globaux qui réunissent les paramètres climatiques et surtout pluviométriques qui ont des impacts majeurs sur l’alimentation en eau et l’assainissement.
Infrastructures
Depuis l’Indépendance du pays en 1960, les investissements liés à l’assainissement liquide n’ont pas suivi la croissance démographique et l’étalement horizontal de l’habitat dans la plupart des villes du Sénégal. A cet étalement fait suite une extension verticale, dans le cas de la ville de Dakar, qui correspond à l’édification de nombreux immeubles dans les quartiers anciens du Plateau, de la Médina [6] et de la périphérie. Cette situation a renforcé les différentes sollicitations des canaux de drainage qui existent. Si le réseau de drainage n’est pas sollicité, les formes d’aménagement qui sont substituées aux canaux sont les fosses étanches ou les puisards et les bassins de rétention ou d’assainissement.
En saison des pluies, le rôle pour lequel ces canaux étaient aménagés est perdu de vue. En effet, les apports sont démesurés, à l’image du potentiel offert par les toitures qui font la collecte et les routes asphaltées dont les pentes ont aussi modifié les types d’apports aux canaux de drainage. A la limite, le système de drainage des eaux n’est pas opérationnel. La première contrainte de dysfonctionnement a été lue avec les insuffisances particulières des canaux à ciel ouvert qui accueillent des eaux de toutes sortes et des déchets solides, du sable et dans leurs fonds mal curés, poussent des herbes pérennes des arbustes et des arbres qui finissent par conférer une physionomie végétale singulière.
Les autres contraintes de dysfonctionnement sont les sollicitations subsidiaires officielles et les ramifications clandestines, dites branchements sauvages. De ce fait, toute la ville de Dakar est confrontée au défaut d’assainissement général en ce qui concerne le drainage des eaux usées et pluviales. De nombreux quartiers de la plus grande ville du pays ne sont pourtant pas raccordés au système d’assainissement par canaux de drainage des eaux usées ou pluviales. Il s’agit des Communes aux quartiers innombrables : Grand-Yoff, Khar-Yalla, Grand-Médine et des villages traditionnels : Ouakam, Ngor, Yoff et leurs aires d’extension qui sont devenues des banlieues incontrôlées, saisonnièrement inondées dans de nombreux cas.
Cette dernière dimension doit être rapprochée de la voirie, des infrastructures, de la nature du substratum et, si possible, en relation avec la nappe phréatique et l’alimentation en eau. Dans le cas de certaines Communes de la banlieue de Dakar, il est intéressant d’insister sur la sollicitation de la nappe exercée par les pompes-Diambars[7], les puits et les forages.
Les pompes-Diambars appartiennent à une technologie hydraulique de substitution. Disons-le, courageusement, c’est une technologie hydraulique du pauvre en pleine capitale ou sa banlieue. La nappe peu profonde (niveau variable d’un endroit à un autre) offre un disponible pour des coûts difficiles à comparer en raison des conditions d’accès qui peuvent être sélectives dans le cas des situations d’habitat irrégulier. Cette forme d’acquisition de l’eau, sans remplir des obligations hygiéniques et de potabilité, autorise la conquête spatiale précaire lorsqu’on peut satisfaire l’accessibilité en eau à des coûts minorés.
A Pikine, un seul système de drainage existe. Le cas de Pikine s’inscrit dans une urbanité marginale avec une croissance démographique démesurée. En un quart de siècle, le peuplement a connu une évolution qui a fini par occuper tout l’espace. Le niveau d’équipement en égout est relativement faible. En effet, seul Pikine régulier, structuré, dispose d’un système de canalisation d’environ 29.700 mètres linéaires répartis entre les Communes de Pikine Ouest (11.500 m), Pikine Nord (15.700 m) et une faible partie de Djiddah Thiaroye Kao (2.500 m) sur les 16 communes que compte le département.
Le problème des stations d’épuration. L’exemple de la station de Cambérène et son exutoire qui se déverse dans la baie de Yoff doit être cité. Le déversement des eaux dans une zone qui n’est pas raccordée au système d’assainissement soulève aujourd’hui de nombreuses questions d’équité, d’égalité et de démocratie, voire d’éthique entre citadins et ruraux d’un même pays. De nombreuses attitudes opposent la pureté dans le contexte d’une cité religieuse, l’iniquité face à un assainissement sélectif. Cette situation a hypothéqué le renforcement du réseau. En effet, après un appui de l’Union européenne, pour un redimensionnement de l’émissaire de Cambérène et son extension en mer, la population a obstrué le système et empêché l’évacuation des eaux usées. Ce qui a entraîné le déversement des eaux usées dans les ruelles des Parcelles assainies pendant plusieurs mois et un dysfonctionnement de la station d’épuration de Cambérène[8].
Quel sens pour l’Indice de raccordement à l’égout ?
L’indice de raccordement à l’égout est de l’ordre de 3,8 mètres linéaires (ml) par hectare sur toute l’étendue du territoire départemental de Pikine. Ramené au niveau de la population, cet indice est de 0,04 ml par habitant et 0,8 ml par concession. Ces indicateurs traduisent, de façon très nette, le degré de sous-équipement en matière d’assainissement dans le département de Pikine. L’assainissement autonome reste le mode le plus répandu dans le département de Pikine et concerne plus de 90% des habitations en 2012. Ce mode d’assainissement consiste en des latrines avec des fosses d’aisance maçonnées dont l’étanchéité fait généralement défaut et des puisards initiés par des programmes tels que celui dit du « Développement social des quartiers de Yeumbeul (DSQY) » et le « Programme d’Assainissement des Quartiers Péri Urbains de Dakar (PAQPUD) ». Les particularités des systèmes d’assainissement individuels sont leur installation dans des zones à sol perméable avec des conséquences néfastes sur la nappe qui est alors fortement polluée par les nitrates.
Politique de l’assainissement par le déguerpissement
L’évacuation des eaux usées est un système qui appartient à une autre organisation infrastructurelle propre à l’hydraulique coloniale. L’évacuation des eaux pluviales est aussi une réponse coloniale face aux marécages de la capitale et au drainage aléatoire devant les menaces d’épidémie particulières comme la fièvre jaune et la peste. Les canaux de drainage des eaux pluviales ont été creusés par les tirailleurs sénégalais dans le cadre des Travaux d’Intérêt Général (TIG) réalisés en 1944 (Mbow 1992). La pente naturelle du drainage ancien a été exploitée dans la plupart des cas. Voir à ce sujet la rivière de Mbeut dont le tracé du lit mineur figure le fond du Canal de la Gueule-Tapée et les différents étangs (cf. Carte 1).
Carte 1 – Canaux de la ville de Dakar, anciens lits de rivières et d’étangs
Conquête des aires non aedificandi et insalubrité
Le contexte des inondations vient poser un deuxième problème de salubrité publique. Il est intéressant de rappeler qu’à la faveur d’une longue période sèche, les espaces non aedificandi ont été terrassés comme c’est le cas en 1944 avec les Travaux d’Intérêt Général à Dakar (l’aéroport et les canaux de Hann et de Fass ont vu le jour à cette période). En effet, autour de la ville de Pikine, tous les terrains vagues ont été aménagés comme la terre promise post-sécheresse pour un habitat autorisé sans les exigences d’hygiène. L’aménagement de puisards a été plus aisé avec l’infiltration facilitée sans crainte de remontée de la nappe et de la stagnation des eaux pluviales (insuffisantes en apport pluviométrique). De ce fait, aucun plan d’aménagement structuré n’a accompagné l’occupation spatiale. L’agriculture sous-pluie, à la faveur de la sécheresse, cède la place aux migrants ruraux qui s’installent dans un habitat qui renseigne, aujourd’hui, par les matériaux de construction et le style des bâtiments, sur les niveaux économiques assez faibles. Chaque site aménagé informe aussi sur la manière désordonnée dont s’est effectuée l’installation. Des ruelles aux largeurs a-normées séparent les pâtés de maisons qui configurent des quartiers (anciennes terres de culture) qui se sont prolongés en « Darou Salam I, II à IV). Tout est occupé dans des sites où alternent des champs de dunes et des dépressions. Les cuvettes servent un moment de dépotoirs. Lorsqu’elles ont été suffisamment remblayées et comblées par des ordures, les niveaux topographiques ont autorisé une colonisation incontrôlée. Les stratégies pour se débarrasser des déchets de toutes sortes sont inédites. Les eaux usées sont déversées dans la rue. Les fosses septiques ont de tout temps été vidangées dans des trous creusés dans la rue. En résumé, le système d’assainissement n’a pour exutoire que la rue. Ainsi, cette manière de faire connaît une exacerbation problématique qui est rendue plus complexe avec le retour d’une pluviométrie proche des valeurs moyennes dites normales. Ainsi, depuis plus d’un quart de siècle, le phénomène de la stagnation des eaux est devenu presque récurrent. La question de l’assainissement liquide par l’association ou combinaison des eaux de pluies avec celles des fosses, des puisards, participe du paysage de la banlieue de Dakar. Les eaux stagnantes reconfigurent un système de drainage ancien composé de mares, de marigots, de lacs et de rivières intermittentes (carte 1). L’habitat cohabite avec ces eaux.
Logiques historiques de l’assainissement
Après l’Indépendance du Sénégal en 1960, l’Hydraulique et l’Assainissement forment une seule direction. Les attributions confèrent à la Direction de l’Hydraulique la maîtrise et l’alimentation à la Société Nationale d’Exploitation des Eaux du Sénégal (Sonees). L’Onas a été créé par la Loi n° 96-02 du 22 février 1996 sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). S’agissant de l’EPIC, l’organisation et le fonctionnement de l’ONAS sont réglés par un décret et non par des statuts. Son objet social est celui établi par la Loi du 22 février 1996. L’ONAS est chargé de la collecte, du traitement, de la valorisation et de l’évacuation en zone urbaine et périurbaine tant des eaux usées que des eaux pluviales. Dans ce cadre, selon l’arrêté n° 19- 09-2007 fixant la liste des services et organismes, il est attribué à l’ONAS :
- la planification, la programmation des investissements, la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, la conception, le contrôle des études et des travaux d’infrastructures d’eaux usées et pluviales ;
- l’exploitation et la maintenance des installations d’assainissement d’eaux usées et d’eaux pluviales ;
- le développement de l’assainissement autonome ;
- la valorisation des sous-produits des stations d’épuration ;
- toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à son objet.
Contrairement au secteur de l’eau potable, dans son statut actuel, l’ONAS cumule les missions de maîtrise d’ouvrage et d’exploitation des ouvrages. Il faut souligner la complexité particulière de la répartition des compétences de la gestion des eaux pluviales, qui ne facilite pas la prise en charge de cette composante. En effet, l’eau pluviale, habituellement, est une composante de la voirie qui relève d’un financement national et plus souvent communal, alors qu’au Sénégal la répartition des compétences en matière d’eau pluviale est la suivante :
- l’investissement du réseau d’évacuation des eaux pluviales, (à ciel ouvert et couvert ou enterré), relève du ministère de l’Equipement et des Transports Terrestres et des ministères de l’Urbanisme et de l’Habitat. L’exploitation et l’entretien du réseau de drainage des eaux pluviales à ciel ouvert qui est du ressort des Communes ;
- l’exploitation et l’entretien du réseau couvert ou enterré qui incombe à l’ONAS, sans pour autant de contrepartie financière de la part des Communes. Pour le futur, avec l’amélioration des ressources propres du secteur, une évolution du statut d’EPIC vers le statut de société nationale est envisagée pour l’ONAS. Ce dernier pourrait évoluer progressivement vers une société de patrimoine qui s’appuie sur d’autres partenaires (opérateurs privés, ONG, Communautés de base) pour les activités d’exploitation.
L’article 15 du décret 96-662 fixe notamment comme ressources de l’ONAS : La redevance d’assainissement collectée par l’exploitant du service public de l’eau potable, c’est à dire la SDE [9] ; les produits de l’exploitation ; la taxe sur les constructions nouvelles ou existantes ; la taxe de pollution ; la participation des Communes à l’exploitation des infrastructures dédiées aux eaux pluviales. En 2019, 11 milliards de F.Cfa opposent la SDE et l’ONAS.
La Direction de l’assainissement est une structure nationale. L’assainissement liquide, dans le cas de la région de Dakar, est confié à la Commune et ensuite à plusieurs structures qui sont sous la tutelle de l’Agence régionale de Dakar et du Conseil régional de Dakar[10]. Les canaux de la ville de Dakar sont connus dans le cas de certains quartiers où ils sont enterrés ou à ciel ouvert.
De nombreux programmes ont été élaborés. Au rythme de la croissance démographique de la ville de Dakar, l’assainissement est une question majeure. Avec l’appui de partenaires étrangers (la coopération japonaise en 1994), un Plan Directeur de Drainage des eaux a été élaboré. Il est intéressant de convoquer le rôle des appuis étrangers dans la prise en charge de l’assainissement liquide. L’aide au développement a été la tête de pont de l’assainissement au Sénégal. Ce qui renforce le propos extraverti de la prise en charge de l’assainissement au Sénégal. Cette position doit être revue si on veut corriger le retard en accélérant les réalisations (cas des collecteurs Hann-Fann et dépollution de la baie de Hann). A ce sujet, il convient de revoir les changements notés dans la formulation des nomenclatures qui ont influencé les retards enregistrés dans la réalisation des infrastructures hydrauliques et d’assainissement, cf. infra.
Politiques d’assainissement (1960-2020)
Après l’Indépendance du Sénégal en 1960, la politique d’assainissement est élaborée suivant un format évolutif lent en termes d’aménagement d’infrastructures. L’héritage colonial sert aux nouveaux quartiers qui sont « branchés » au système d’assainissement de la période coloniale. Lorsqu’on suit l’évolution spatiale de la ville de Dakar, on se rend compte des difficultés propres au dynamisme urbain. Dakar est une ville dont la croissance a entraîné la jonction des quartiers nouveaux et anciens. De fait, une certaine discrimination a fini d’organiser le territoire en zones bien assainies, avec le tout-à-l’égout, et en aires irrégulières mal assainies, avec le tout-à-la rue.
Dans ce double format, l’élaboration de politiques de rattrapage et de correction des insuffisances ou des dysfonctionnements a ponctué les réponses formulées par les autorités. Relativement à la politique d’alimentation en eau, celle de l’assainissement liquide a été moins bien élaborée.
Après la mise en place du ministère de l’Assainissement pour la première fois, en 2003, les programmes d’alimentation en eau n’ont pas souvent été accompagnés de systèmes homologues destinés à l’évacuation des eaux usées, surtout dans la banlieue de Dakar, a fortiori dans les centres urbains régionaux. Ces programmes sont le fer de lance de la nouvelle politique d’assainissement qui a eu ses Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). A défaut de grandes infrastructures pour le drainage, l’État et les collectivités locales optent pour des solutions minimales qui sont réalisées par étapes. Les appuis institutionnels sont passés par le ministère de l’Assainissement qui œuvre pour trouver des réponses à la grande demande qui s’adresse plus à la collecte des ordures qu’à l’évacuation des eaux pluviales et usées. Ces eaux pluviales vont poser plus de problèmes lorsqu’elles ont fini de s’inscrire dans l’agenda des politiques publiques. Chronologiquement, depuis un quart de siècle, l’État tente, tant bien que mal, de répondre à une demande de secours quant à la question des inondations qui est un fléau national (Mbaye 2012).
Tableau 1. A : Appellation des ministères de l’Hydraulique et de l’Assainissement sous les différents Gouvernements de 1960 à 2020
Gouvernement | Nomenclature | Ministre | ||||||||
Léopold S. Senghor | ||||||||||
Mamadou DIA, sept. 1960 | Absent | |||||||||
Mamadou DIA, mai 1961 | ||||||||||
Gouvernement du 19 décembre 1962 | ||||||||||
Gouvernement du 9 décembre 1963 | Ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique | M. Moustapha Seck | ||||||||
Gouvernement de février 1964 | Ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique | M. Moustapha Seck | ||||||||
Juin 1966 | Ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique | Ibra Mamadou Wane | ||||||||
Mars 1968 | Ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique | Ibra Mamadou Wane | ||||||||
Juin 1968 | Absent | |||||||||
Gouvernement Diouf (1) (28 février 1970) | ||||||||||
Gouvernement Diouf (2) (14 décembre 1970) | Absent | |||||||||
Gouvernement Diouf (3) (10 avril 1971) | Absent | |||||||||
Gouvernement Diouf (4) (8 juin 1972) | Absent | |||||||||
Gouvernement Diouf (5) (5 avril 1973) | Absent | |||||||||
Gouvernement Diouf (6) (16 février 1974) | Ministère du Développement rural et de l’Hydraulique | M. Adrien Senghor | ||||||||
Gouvernement Diouf (7) (21 novembre 1975) | Absent | |||||||||
Gouvernement Diouf (8) | Absent | |||||||||
Gouvernement Diouf (9) | Absent | |||||||||
Gouvernement Diouf (10) | Absent | |||||||||
ABDOU DIOUF | ||||||||||
Habib Thiam 1. Janvier 1981 | Absent | |||||||||
Moustapha Niass 1. avril 1983 | Ministère de l’Hydraulique | Samba Yéla Diop | ||||||||
1988 | Ministère de l’Hydraulique | Samba Yéla Diop | ||||||||
Habib Thiam 2. juin 1991 ou 1993 | Ministère de l’Hydraulique | Mamadou Faye | ||||||||
Habib Thiam 3. mars 1995 | mars 95-juil 98 | Ministère de l’Hydraulique | Mamadou Faye | |||||||
Mamadou Lamine Loum | Juil 98-avril 2000 | Ministère de l’Hydraulique | Mamadou Faye | |||||||
ABDOULAYE WADE : ALTERNANCE I | ||||||||||
Moustapha Niass II. | avril 2000-mars 2001 | Ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique | Abdoulaye Bathily | |||||||
Mame Madior Boye | mars 2001-nov 2002 | Ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique | Abdoulaye Bathily | |||||||
Idrissa Seck I | nov 2003-août 2003 | Ministère de l’Énergie, mines et hydraulique | Macky Sall | |||||||
Idrissa Seck II | août 2003-avril 2004 | Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique | Habib Sy | |||||||
Macky Sall 1 | avril 2004-nov 2006 | Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique rurale et de la Sécurité alimentaire | Farba Senghor | |||||||
Macky Sall 2 | nov 2007-juin 2007 | Ministère de l’Hydraulique | M. Adama Sall | |||||||
Cheikh Hadjibou Soumaré | juin 2007-avril 2009 | Ministère d’État, Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Hydraulique urbaine, de l’Hygiène publique et de l’Assainissement | Oumar Sarr | |||||||
Souleymane Ndéné Ndiaye. mai 2009-avril 2012 | Composition du 1° mai au 3 déc. 2009 | Ministère d’État, Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Hydraulique et de l’Assainissement (jusqu’au 14/10/2009)1 | Oumar Sarr | |||||||
Ministère d’État, Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Construction et de l’Hydraulique | ||||||||||
Composition du 3 déc. 2009 | Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Construction et de l’Hydraulique | Oumar Sarr | ||||||||
MACKY SALL : ALTERNANCE 2 | ||||||||||
Abdoul Mbaye | avril 2012-sept 2013 | Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement | Oumar Guèye | |||||||
Aminata Touré | sept 2013-juil 2014 | Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement | Pape Diouf | |||||||
Mahammed Boun Abdallah Dionne I | juil 2014-sept 2017 | Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement | Mansour Faye | |||||||
Mahammed Boun Abdallah Dionne II | sept 2017-avril 2019 | Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement | Mansour Faye | |||||||
___ | depuis avril 2019 | Ministère de l’Eau et de l’Assainissement | Serigne Mbaye Thiam | |||||||
Tableau 1. B – Ministères associés à l’Assainissement (régime libéral 2000-2012), Extrait Thiam 2011.
Ministre Nomenclature Gouvernement en date du
Modou Fada Diagne (1) Ministère de l’Environnement
et de l’Assainissement 25 août 2003
Lamine Bâ (2) Ministère de la Prévention, de l’Hygiène
publique et de l’Assainissement 2 novembre 2004
Issa Mbaye Samb (3) Ministère de la Prévention, de l’Hygiène
publique et de l’Assainissement 4 juillet 2005
Issa Mbaye Samb (4) Ministère de la Prévention, de l’Hygiène
publique et de l’Assainissement 23 novembre 2006
Habib Sy (5) Ministère des Infrastructures,
de l’Hydraulique urbaine
et de l’Assainissement 25 juin 2007
Oumar Sarr (6) Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat,
de l’Hydraulique urbaine, de l’Hygiène
publique et de l’Assainissement 9 juin 2008
Oumar Sarr (7) Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat,
de l’Hydraulique et de l’Assainissement 1er mai 2009
Adama Sall (8) Ministère de l’Assainissement et de
l’Hygiène publique 14 octobre 2009
Adama Sall (9) Ministère de l’Urbanisme et
de l’Assainissement 3 décembre 2009
Adama Sall (10) Ministre de l’Urbanisme,
de l’Assainissement, de l’Hygiène
publique et du Cadre de vie 10 mai 2011
Après trois formations gouvernementales depuis l’Indépendance en 1960, l’Hydraulique n’apparaît, pour la première fois en tant que ministère, qu’en 1963 dans une association avec l’Énergie. Elle a connu également plusieurs absences dans les différents attelages gouvernementaux sous le régime du Président Senghor, et dont la dernière apparition est enregistrée en 1974 dans un département qui y associe le Développement rural.
Sous Abdou Diouf, après une absence, elle réapparaît dans le Second gouvernement dirigé par le Premier ministre Moustapha Niasse où on le retrouve seul dans une entité ministérielle et ce, jusqu’à la fin du règne socialiste en 2000.
Lors de la première alternance qui a consacré l’arrivée au pouvoir de Me Abdoulaye Wade, nous notons le retour du couple « Énergie-Hydraulique », avant de prendre un cap nouveau avec l’association du secteur de l’Hydraulique, dans un premier temps, à l’Agriculture, puis à l’Urbanisme et l’Habitat.
L’Hydraulique se retrouve plus tard avec l’Assainissement durant le premier septennat de Macky Sall dans les quatre gouvernements qui ont eu à se succéder (Abdoul Mbaye, Aminata Touré, Mahammed Boun Abdallah Dionne I et II). En avril 2019, dirigé par Serigne Mbaye Thiam, émerge pour la première fois au Sénégal, le ministère de l’Eau et de l’Assainissement. Ce département a été maintenu après la suppression du poste du Premier ministre de l’attelage gouvernemental au Sénégal.
L’Hydraulique et l’Assainissement : histoire de deux patrimoines coloniaux français
Au début du Vingtième siècle, l’alimentation en eau de la ville de Dakar entre dans un système d’organisation spatiale commandé par la colonisation. Les usages de l’eau aux fins de propreté, de toilettes et d’hygiène vont aussi partager l’espace dakarois suivant l’hygiénisme. L’installation de robinets publics, de vespasiennes et d’édicules publics, au voisinage des marchés et des mosquées, participe à l’agencement spatial, comme en Europe à la fin de la période médiévale avec les cathares.
Prévisions et réalisations relatives aux problèmes d’hydraulique, d’alimentation en eau et de l’assainissement
Après l’indépendance en 1960, le développement du Sénégal était envisagé à travers un cadre de référence multisectoriel qui dégage les orientations et actions à mener dans des programmes établis. Ils sont intitulés « Plan de développement économique et social du Sénégal ». Ils ont été quadriennaux jusqu’au sixième plan avant d’amorcer une séquence quinquennale à partir du huitième. En effet, le secteur de l’hydraulique figure en bonne place dans les perspectives de développement du pays. Il a été abordé suivant des formats plus ou moins variés d’un plan à l’autre. La déclinaison des orientations et programmes d’action reste constante. Cependant, seuls les plans, IV, V et VI offrent un bilan détaillé des opérations menées lors des précédents. Ils donnent ainsi la possibilité de porter une appréciation quant aux tendances d’exécution des projets prévus.
Il est important de soulever une lacune liée au caractère non exhaustif des données présentées pour les Plans I et IV. Cela ne saurait, cependant, altérer la valeur scientifique des résultats présentés.
Le premier Plan de développement (1961-1965) marque le démarrage dans la formalisation de la planification du développement du pays. En effet, le Plan I présente les actions qui ont un rapport avec l’Hydraulique sous un format éclaté entre deux grands ensembles, à savoir : l’Agriculture et l’Élevage.
Ainsi, parmi les actions à réaliser pour l’agriculture, il figure des équipements d’hydraulique. La création ou l’aménagement de puits et forages allait, également, mettre à la disposition de la population rurale l’eau indispensable à leur existence, non seulement en volume suffisant mais aussi en qualité.
Il existe une complémentarité évidente entre les divers programmes prévus au titre de l’hydraulique, dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de l’édilité rurale. A cet effet, les politiques ont suggéré que les programmes soient étudiés à l’échelon régional, afin de définir les besoins globaux et de tracer un plan d’ensemble.
Au cours du premier Plan de développement 760 millions de francs Cfa[11] devaient ainsi revenir à la charge de l’État pour la seule « Hydraulique villageoise ». Un programme d’Hydraulique pastorale était également noté au chapitre des actions à réaliser pour l’élevage. Il marque une multiplication importante de l’effort fait, dans ce domaine, par rapport au rythme des réalisations antérieures et comprend les détails dans le tableau 2.
Tableau 2 – Projets et coûts de réalisation.
Intitulé projet | Coût (en millions) |
10 forages stations équipés (pompage et refoulement) | 250 |
8 équipements comportant trois abreuvoirs en étoile, autour d’un forage-station alimenté par canalisation de 5 km | 260 |
32 forages-puits | 182 |
80 puits équipés (portique, anti-bourbier, abreuvoir) | 120 |
245 équipements pour puits existants | 49 |
Retenues d’eau | 44 |
Équipements pour la surveillance ou le renouvellement des moteurs des forages | 60 |
Total | 965 |
Au Second Plan (1965-1969), les actions envisagées sont déclinées en programmes partagés entre deux rubriques : Études et inventaires ; Hydraulique pastorale, rurale et humaine.
Une part importante est consacrée à l’étude des ressources hydrauliques. Il a aussi été question de réaliser un inventaire des ressources hydrauliques pour un montant estimé à 121 millions dans les anciennes régions du Sine-Saloum, de Casamance et du Sénégal-oriental. Dans les opérations sont prévues le recensement des mares. C’est « assez insolite qu’à cette période, on en soit à inventorier les mares » souligne le rapport.
L’autre programme qui associe l’Hydraulique pastorale, rurale et humaine est évalué à ce moment à 1010 millions pour la réalisation de :
- 9 forages avec des installations de surface pour 245 millions sur financement du Fonds d’aide et de coopération (FAC) pour l’hydraulique pastorale ;
- 24 forages puits, dont 9 d’hydraulique humaine, à 690 millions financés par le Fonds européen de développement (FED), avec lequel un autre accord était obtenu pour 320 millions destinés à l’hydraulique urbaine pour l’alimentation en eau de Ziguinchor (130 millions) et 9 agglomérations de l’intérieur (190 millions).
En plus, le plan prévoit 780 millions pour l’alimentation en eau de certaines villes de l’intérieur. Une partie de l’enveloppe, évaluée à 335 millions est à la charge des Collectivités locales et 155 millions engagés sur le Budget national et dont 20 millions sont retenus pour les études.
A elle-seule, la Presqu’île du Cap-Vert comprend un programme quadriennal évalué à 688 millions, répartis entre « études générales » : 8 millions ; « Études de projet » : 30 millions ; et « infrastructures » : 650 millions.
Au total, 115 millions de crédits sont ouverts au cours de la première biennale 1965-1967, en vue d’effectuer les études portant sur l’alimentation en eau du Cap-Vert, et 15 millions destinés à l’extension du réseau de Dakar. Cependant, 190 millions sont utilisés pour l’adduction d’eau à Dakar.
Le projet Lac de Guiers vient en appui à l’alimentation en eau de Dakar à partir du lac situé à environ 250 km. Le besoin exprimé est de 306 millions de crédit ouvert entre 1965-1966.
L’assainissement, au Plan II, renseigne sur l’état d’une balance déséquilibrée qui met en opposition la Presqu’île du Cap-Vert et les zones urbaines de l’intérieur. Quant à ces dernières, l’enveloppe prévue est de 1050 millions, réparties entre les « Études de projets » : 140 millions et les actions à mener dans les villes de Thiès, Kaolack, Diourbel, Ziguinchor, Tambacounda, Louga et Mbour. Le financement de ce programme a été partagé en attente, entre l’État, les Collectivités locales et une partie espérée de l’aide extérieure.
L’aménagement du territoire a étudié les schémas-directeurs établis préalablement à l’implantation des réseaux. Pour le Cap-Vert, il est attendu 905 millions répartis entre des « études » : 110 millions, et des « infrastructures » : 795 millions. Une étude des solutions d’avenir pour l’alimentation en eau et l’assainissement de Dakar et ses environs ainsi que l’établissement d’un plan directeur devait faire l’objet d’un financement par le Fonds spécial des Nations unies.
En attendant les résultats des études pour la réalisation des infrastructures, quelques opérations ont démarré avec l’appui du budget national : assainissement de Dakar-Plateau : 10 millions ; couverture du Canal IV : 15 millions ; Canal de la Gueule Tapée : 15 millions ; Canal Grand-Dakar : 10 millions.
L’alimentation en eau des agglomérations de l’intérieur dispose d’une provision de 200 millions à utiliser en vue de réaliser un réseau de base pour chaque agglomération, susceptible d’être complété ultérieurement.
Les prévisions d’investissement sont ainsi réparties : 17,37% pour l’hydraulique pastorale et 82,63% pour l’alimentation en eau et l’assainissement des agglomérations. Cette répartition, très déséquilibrée, montre une tendance conditionnée par la dimension sociale en tentant d’assurer l’alimentation en eau des populations et particulièrement dans les agglomérations.
Perçu comme une nécessité en vue de répondre aux besoins des populations grandissantes des villes, à ceux des entreprises industrielles et de l’ensemble des autres secteurs de l’économie, le troisième Plan (1969-1973) a décliné les orientations générales pour l’adduction d’eau et l’assainissement suivant un certain nombre de points libellés comme suit :
- Satisfaction des besoins en eau des populations urbaines ;
- L’approvisionnement complet en eau des industries et des entreprises de toute nature existant ou à créer ;
- L’assainissement des agglomérations urbaines et semi-urbaines.
Il est surtout question de réaliser des travaux d’hydraulique urbaine d’importance capitale pour l’économie et le bien-être des populations dans les agglomérations, suivant une classification des opérations en priorités (les plus urgentes exécutées dès la première année sur le Budget national).
Le Plan III avait dans son volet hydraulique urbaine et villageoise, un programme d’investissements global estimé à un total de 7431,03 millions et partagé entre l’hydraulique urbaine (6434,5 millions dont 639,5 millions pour l’alimentation en eau du Cap-Vert, 1173 millions pour celle des grandes agglomérations, 222 millions pour les moyennes agglomérations de l’intérieur en plus de 4 400 millions pour la deuxième tranche du projet Lac de Guiers et l’hydraulique villageoise (996,53 millions). L’assainissement fait l’objet de prévision à hauteur de 2495,5 millionset est constitué de projets dans Dakar (1033 millions) et les villes de l’intérieur (1462,5 millions).
L’hydraulique urbaine, avec 64,82 % des investissements prévus, garde ainsi la priorité dans les opérations pour le secteur. Elle est suivie de l’assainissement pour 25,14 % des prévisions qui sont entièrement destinées aux zones urbaines. Cependant, sont préconisées, pour 10,04%, des actions qui visent à assurer l’alimentation en eau des populations installées dans les villages.
Au bout de la période impartie pour l’exécution des opérations prévues, nous avons un certain nombre de projets réalisés, pour un montant de 5612,7 millions, soit un taux de 56,54% du total pour le programme d’hydraulique et d’assainissement. Ce montant est donc distribué entre l’Hydraulique urbaine (5081 millions), l’Hydraulique villageoise (93,7 millions) et l’Assainissement (438 millions) soit respectivement 78,96%, 9,40% et 17,55% de taux de réalisation (Graphique 2).

Le Plan IV marque une nette évolution dans l’approche conceptuelle de l’hydraulique urbaine et l’assainissement. L’hydraulique reste longtemps contenue dans une dimension sociale. Elle est étendue à une approche orientée vers le développement à travers les secteurs de l’économie, de l’habitat et de l’industrialisation.
Une forme de prise de conscience peut aussi être relevée. En effet, elle met en synergie l’adduction d’eau potable et l’assainissement.
De manière générale, le Plan IV prévoit l’achèvement des travaux initiés au Plan III et d’enclencher de nouvelles opérations en vue de satisfaire les besoins en eau des populations, l’approvisionnement en eau de toutes les industries existantes ou à créer, l’évacuation et la réutilisation des eaux usées.
Par ailleurs, dans son volet rural, le programme d’hydraulique villageoise repose essentiellement sur les actions suivantes :
- l’exécution d’un grand nombre de puits et de forages-puits neufs ;
- l’entretien des installations existantes, notamment en dotant chaque région de brigades de puits bien équipées ;
- la réalisation des adductions d’eau potable dans certains villages ;
- l’achèvement et la remise en état des puits existants.
L’ensemble des opérations envisagées en termes d’hydraulique (urbaine et rurale) et d’assainissement est évalué à une enveloppe globale de 12612 millions. Elles sont, en effet, réparties entre différents programmes ainsi dissociés : hydraulique urbaine (4145 millions), hydraulique rurale (2885 millions) et assainissement (5582 millions).
Le quatrième plan consacre une place importante à l’assainissement. Les projets inscrits à cette rubrique font 44,26% du montant global. Le reste revient ainsi à des opérations d’hydraulique, qu’elles soient urbaines (32,87%) ou villageoises (22,88%).
Contrairement aux précédentes phases, le bilan d’exécution des projets d’hydraulique du Plan IV montre un volume d’investissements supérieur aux projections initiales. Pour un programme prévisionnel de 12612 millions, les actions menées ont atteint 17131 millions, soit un excédent de 35,83 %. Nous avons une tendance généralisée à un dépassement des prévisions pour toutes les rubriques : hydraulique urbaine 184,44%, hydraulique villageoise 114,52%, assainissement 110,75%.
Le Ve plan (1977-1981) répète les préoccupations des opérations propres à l’hydraulique rurale, composée d’un volet villageois couplé à un autre volet pastoral, et l’hydraulique urbaine associée à l’assainissement.
Ce Plan porte sur les orientations et la stratégie de développement en prenant appui sur le plan directeur en vue de la mise en place progressive des équipements d’hydraulique qui vont guider la politique du secteur pour l’hydraulique villageoise : doter les villages d’ouvrages hydrauliques, équiper les villages les moins peuplés de pompes manuelles et équiper les forages, ainsi que les forages-puits de motopompes, tout en améliorant les installations de surface.
Quant à l’hydraulique urbaine, le Plan vise à assurer la satisfaction des usagers à travers :
- la réévaluation des besoins et la programmation rationnelle de la mise en exploitation de nouvelles ressources en eaux ;
- l’amélioration des procédés de traitement de l’eau, la rénovation et l’extension des réseaux de distribution.
- En termes d’assainissement, les objectifs sont :
- la mise en application à Dakar et dans les capitales régionales des opérations préconisées par l’étude de collecte et de traitement des déchets solides ;
- la poursuite et la réalisation des grands travaux d’infrastructures dont les études ont été effectuées au Plan IV.
Le programme d’actions était évalué à 38451 millions ainsi partagés entre l’hydraulique rurale pour 24807 millions (dont 5531 millions destinés à l’hydraulique villageoise, 400 millions à l’hydraulique pastorale, 17886 millions à l’hydraulique agricole et 990 millions à des projets communaux ou locaux), de l’hydraulique urbaine pour 5577 millions, de l’assainissement pour 7165 millions en plus de projets communaux et locaux pour 502 millions.
Au Plan V, nous pouvons constater un éclatement du volet rural de l’hydraulique en trois sous-secteurs : hydraulique villageoise, hydraulique pastorale et hydraulique agricole. On note, en plus, un cumul de la part de l’hydraulique agricole, avoisinant la moitié des investissements prévus pour tout le secteur, ce qui témoigne de la nouvelle orientation axée sur le développement. Nous pouvons constater l’émergence de grands projets d’aménagement destinés au secteur primaire avec l’implication des sociétés nationales comme la Société de développement agricole et industriel du Sénégal (SODAGRI), la Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta(SAED) et la Société de développement et des fibres textiles (SODEFITEX).
A terme, le Plan V a connu des réalisations à hauteur de 16875,5millions. Ce montant est ainsi partagé entre l’hydraulique urbaine (1085,5 millions), l’hydraulique rurale (7124 millions), l’hydraulique agricole (1458 millions) et l’assainissement (7208 millions). A noter que d’autres projets d’hydraulique urbaine étaient également en cours de réalisation pour un montant de 7090 millions.
Le Cinquième Plan informe sur un taux d’investissement global de 44,35% des prévisions initiales. Cependant, une disparité notoire peut être constatée entre les différentes rubriques dont certaines affichent des excédents très importants. C’est le cas des réalisations en zone rurale qui dépassent de 20% le programme prévisionnel. L’assainissement affiche également un niveau de réalisation excédentaire avec 0,6% de plus, tandis que l’hydraulique urbaine et agricole ont eu des taux de réalisation très en dessous des prévisions enregistrées avec respectivement 19,46% et 8,15%.
Cette situation peut être imputée à des retards ou déficit de recouvrement des fonds pour le financement des différents projets envisagés. L’hydraulique agricole qui devait absorber la moitié des investissements, se retrouve avec le niveau de réalisation le plus faible.
Le Plan VI (1981-1985) ambitionne d’atteindre un niveau de distribution de 230 000 m3/j en 1985 pour 37 centres urbains ainsi que l’amélioration de la qualité de l’eau distribuée. Il visait aussi à mettre en place les recommandations quant à la collecte et au traitement des déchets solides, la réalisation d’infrastructures pour Dakar, l’établissement de plans directeurs d’assainissement pour certaines agglomérations et la promotion de l’assainissement en milieu rural.
Le programme d’action du secteur correspond à un investissement global de 38082 millions, dont 8751 millions destinés à l’hydraulique urbaine et 6222 millions à l’assainissement, 12158 millions à l’hydraulique rurale et 7724 millions à l’hydraulique agricole.
La tendance remarquée au cinquième plan est encore constatée au Plan VI. En effet, l’importance de l’Hydraulique rurale est confirmée avec une part de 34,88% et s’explique par un report de projets non réalisés au plan précédent.
A la fin de la période quadriennale, le bilan des travaux fait état de 172 forages et 43 puits réalisés sur un objectif de 317 forages et 282 puits, ce qui avait ramené le patrimoine à 247 forages et près de 1000 puits. Un bilan très faible, comparé aux besoins globaux du pays évalués à 1800 forages et 4500 puits.
Le Plan VII (1985-1989)intervient dans un contexte marqué par la persistance de la sécheresse qui a démarré au Sahel dans les années 1968-70 et la croissance démographique qui l’accompagne. Il vise à faire face aux besoins en eau de 141 050 m3/j pour une population de 4 030 000 habitants, répartie dans 18 000 agglomérations en milieu rural, ajoutés à ceux du cheptel qui étaient de 44 millions de m3 par an. Le plan appuie son orientation sur :
- la consolidation du patrimoine d’hydraulique rurale ;
- la poursuite des programmes de réalisations et d’équipements hydrauliques dans les zones nécessiteuses ;
- l’accélération des études nécessaires pour une meilleure connaissance des ressources.
Les objectifs, ainsi visés, s’appuient sur les mêmes que ceux qui n’ont pas été atteints.
En effet, il s’agit d’assurer aux populations un minimum de 35 l par jour et par individu, conformément aux normes de l’OMS ;
- de multiplier les points d’eau, dans les zones nécessiteuses, en vue de ralentir le déplacement des populations rurales ;
- d’assurer progressivement l’approvisionnement en eau des agglomérations par des équipements pérennes ;
- d’assurer l’exploitation, l’entretien et la maintenance correcte des ouvrages ;
- de réhabiliter les ouvrages existants et en état d’obsolescence ;
- d’assurer une meilleure gestion des forages en responsabilisant les populations dans la gestion.
Le plan prévoyait la réalisation d’équipements au cours des vingt années à venir et, du point de vue qualitatif, les critères suivants ont été établis quant aux besoins liés à l’exhaure (Cf. supra) :
Agglomération de 200 à 500 habitants : pompes à énergie humaine, animale ou éolienne ;
De 500 à 1000 habitants : exhaure mécanisée avec petite réserve ;
De 1000 à 2000 habitants : exhaure mécanisée avec réservoir au sol ;
De 2000 à 5000 habitants : exhaure mécanisée avec château d’eau et réseau de distribution.
La répartition des projets inscrits est établie suivant deux ensembles. Il s’agit des « projets reportés » pour 25049 millions, soit 58,63% et des « projets nouveaux » d’un montant global de 17674 millions, représentant41,37%. Dans le second volet, on trouve en bonne place des programmes (pas détaillés) de la coopération étrangère (belge, britannique et chinoise).
Le programme des opérations envisagées en matière d’hydraulique pour le Plan VIII (1990-1995) est, pour l’essentiel, centré sur la mise en place du projet du Canal du Cayor.
La réalisation de cet ouvrage, prévue en 1995, allait permettre de résoudre à long terme le problème de l’approvisionnement en eau potable de la capitale du Sénégal en amenant l’eau suivant un canal à ciel ouvert depuis le lac de Guiers distant de 250 km environ de Dakar et l’irrigation de quelques 8 500 ha sur son parcours.
A cette époque, l’approvisionnement en eau de Dakar était assuré à 75% par les nappes souterraines et pour 25% par le lac de Guiers. Globalement, l’offre était déficitaire par rapport à la demande qui était de 185 000 m3/j.
Concernant l’assainissement, la situation est marquée par : « le type collectif qui n’existe que dans les grandes villes (Dakar, Thiès, Saint-Louis, Kaolack, Louga) et ne dessert que 12% de la population urbaine. Le reste, soit 88% de la population urbaine disposent de systèmes d’évacuation autonomes : fosses septiques, latrines, puisards ».
Les réseaux se présentent comme suit :
Tableau 3 – Longueurs des canaux et unités d’assainissement
Total national | Dont Dakar | |
Eaux usées Canalisations : Stations de pompage : Stations d’épuration : Eaux pluviales Canalisations : Station de pompage : | 518 Km 29 unités 7 unités 105 Km 2 unités | 483 Km 21 unités 5 unités 88 unités 2 unités |
Généralement, ce réseau est vétuste et pour Dakar, les composantes les plus vieilles du réseau ont été réalisées en 1944. Cette vétusté explique les coûts élevés de la maintenance et de l’entretien. Cependant, aucune action n’a été annoncée durant la période du VIIIe plan.
Les autres plans qui ont suivi abordent la question de l’hydraulique et de l’assainissement avec des perspectives de compensation du retard enregistré dans les investissements et qui s’est traduit par un déficit devenu chronique dans l’approvisionnement en eau et exacerbé par la croissance démographique. En 1994 celui-ci était de 160.000 m3/j et le Plan IX s’était fixé comme objectif de porter ce déficit à 20%. Pour l’assainissement, le taux de couverture quant à l’évacuation des eaux usées et pluviales n’atteignait que 30% de la population totale du Sénégal en milieu urbain. Une importante réforme institutionnelle a été effectuée pour la satisfaction des besoins en eau et en assainissement attribuée à trois entités : la Société Nationale des eaux du Sénégal (SONES) ; la Société d’exploitation dite Sénégalaise des eaux (SDE[12]) et l’Office national de l’assainissement (ONAS). Au Xe plan, les tentatives de réponse visent l’augmentation de la production et celle des branchements au réseau d’alimentation en eau potable.
Synthèse
De 1960 à 1989 (Plans I à VII), les prévisions d’investissement cumulées sont de l’ordre de 145971,53 millions. Très timides dans les premiers plans (I à IV), ils ont connu une hausse considérable à partir du Ve plan (Graphique 3).

Il existe, par ailleurs, quelques disparités entre les différentes rubriques qui constituent les programmes liés à l’hydraulique et à l’assainissement. La part affectée à l’hydraulique rurale apparaît comme celle qui a eu la plus grande portion des ressources envisagées avec 49,74 %[13] contre 27,58 % à l’hydraulique urbaine et 22,68 % à l’assainissement (Graphique 4).

On peut aisément constater que des retards, des reports ou des annulations ont accompagné le déroulement de ces programmes. L’exemple des Plans III et V montre que ceux-ci peuvent atteindre un taux d’exécution relativement faible avec des valeurs respectives de 56,54% et 44,35%. Au Plan IV, il y a eu, cependant, un excédent de 35,83 %, qu’on peut considérer comme un rattrapage (Graphique 5).

Entre 1969 et 2019, les opérations projetées sont déclinées dans le cours du temps pour les localités qui vont passer, pour la plupart, du statut de bourgs, de petites villes, de villes moyennes à des standards urbains aux croissances démographiques exponentielles. Ainsi, le statut est rendu plus complexe. On note, de ce point de vue, des défaillances enregistrées en matière d’alimentation et une question majeure qu’est l’assainissement. Il englobe trois sous-secteurs des eaux (usées domestiques et pluviales) et des rejets solides (déchets domestiques), et ceux consacrés aux activités artisanales (avec ses eaux) et industrielles naissantes fortement encouragées (également productrices d’eaux rejetées).
Dès 1960, au Sénégal, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de faire des études en vue de mettre en place des programmes d’alimentation en eau potable. Les voies à suivre sont des orientations dont le but est la sollicitation de fonds spéciaux des Nations unies. Les contreparties et les conditionnalités, à défaut d’être satisfaites, ont exacerbé les retards notés dans les domaines de l’hydraulique et de l’assainissement.
Parfois, le financement est espéré du Fonds spécial des Nations unies ou du Fonds spécial de l’OMS. Il n’est pas clair que les deux fonds ne soient pas confondus dans l’élaboration des Plans. Par contre, il reste constant que la position de l’Etat s’explique par son objectif de s’appuyer sur les différends fonds en vue de réussir l’hydraulique et l’assainissement qui sont des questions de développement dont les financements reposent sur des espoirs avec des organisations non-gouvernementales et celles des Nations unies.
Jusqu’à l’apparition du Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC) en 2014, soit un peu plus d’un demi-siècle plus tard, l’Etat du Sénégal a continué de compter sur ces différents fonds pour financer les programmes de développement que sont l’hydraulique et l’assainissement.
Dès le Troisième Plan, on note l’indication « hydraulique urbaine » en orientations originales par rapport aux mesures d’ajustement précisées dans le Second plan et qui n’ont pas abouti.
La répartition des tâches s’organise suivant un « saucissonnage » de l’approche technique de l’hydraulique segmentée entre : Hydraulique humaine (Hh), Hydraulique pastorale (Hp), Hydraulique urbaine (Hu), Hydraulique rurale (Hr) et hydraulique villageoise (Hv). On enregistre parfois des associations qui ne changent en rien l’orientation globale et les financements destinés à l’une ou l’autre rubrique. Par exemple, c’est le cas entre Hydraulique humaine et pastorale que l’on tente de dissocier de l’hydraulique rurale.
Conclusion
L’Hydraulique et l’Assainissement constituent des segments du développement et des marqueurs qui renseignent sur les politiques d’investissement lancées dès l’Indépendance du Sénégal en 1960. Suite à un état des lieux bien élaboré, à l’aide d’études soutenues qui montrent déjà le retard enregistré dans les deux secteurs, des Plans de développement (quinquennaux et quadriennaux) sont régulièrement produits avec des statistiques qui sont faciles à suivre de manière chronologique de 1960 à 2020.
Les résultats obtenus renseignent, par ailleurs, sur les options et les objectifs qui ont été atteints et les autres qui restent en perspective, suite à des relégations de plan en plan vers les horizons 2000, 2035, et 2050.
L’hydraulique est une technologie de maîtrise et d’alimentation en eau. Elle a évolué suivant une stratégie de saucissonnage en Hydraulique multiple – Hydraulique humaine (Hh), Hydraulique pastorale (Hp), Hydraulique urbaine (Hu) et Hydraulique rurale (Hr), hydraulique villageoise (Hv) -, et dont l’état actuel laisse dubitatif, lorsqu’on essaie de comprendre l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement durable (OMDD).
Quant à l’assainissement, depuis les premiers Plans de développement jusqu’au « Programme Sénégal émergent », en 2020, ce segment du développement, tant évoqué, a été le maillon faible auquel les politiques publiques ont consacré moins d’attention et moins de moyens. Ce qui explique la situation dysfonctionnelle, voire dramatique, que traverse le pays quant à l’assainissement, toutes échelles confondues (villes et campagnes). Les objectifs pour un assainissement moderne dans les villes ne seront pas atteints pour les termes trentenaires. Et encore moins, ils sont espérés pour le monde rural, dans des systèmes rudimentaires qui ne seront pas couverts pour un temps qui n’est pas encore déterminé.
Il apparaît que l’Hydraulique qui soutient une alimentation en eau potable peut bien atteindre les objectifs prévus, car la situation actuelle tend vers un niveau universel espéré pour 2022 en milieu urbain. Ce qui relègue les attentes de l’alimentation en eau potable en milieu rural vers des horizons plus lointains, compris entre 2035 et 2050.


Mame Demba Thiam[1] & Meissa Birima Fall[2]
Sigles et acronymes
AFD : Agence française de développement
ANSD : Agence nationale de la statistique et de la démographie
BAD : Banque africaine de développement
BM : Banque mondiale
BOAD : Banque ouest-africaine de développement
CSE : Conseil économique et social
CESE : Conseil économique, social et environnemental
DSQY : Développement social des quartiers de Yeumbeul
Enda–TM : Environnement Développement Action-Tiers-Monde
EPIC : Etablissement public à caractère industriel et commercial
FAC : Fonds d’aide et de coopération
FAD : Fonds d’aide pour le développement
FED : Fonds européen de développement
FOSIDEC : Fonds de solidarité et d’intervention pour le développement de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest
JICA : Agence de coopération internationale du Japon
JO : Journal officiel
KFW : Kreditanstalt für Wiederaufbau
NEDECO : Netherlands Engineering Consultants
OMD : Objectifs du millénaire pour le développement
OMS : Organisation mondiale de la santé
ONAS : Office national d’assainissement du Sénégal
ONG : Organisation non-gouvernementale
PAQPUD : Programme d’assainissement des quartiers péri urbains de Dakar
PELT : Programme Eau à Long Terme
PEPAM : Programme d’eau potable et d’assainissement du Millénaire
PSE : Programme sectoriel eau
PSE : Plan Sénégal émergent
PUDC : Programme d’urgence de développement communautaire
SAED : Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta
SDE : Sénégalaise des eaux
SODEFITEX : Société de développement et des fibres textiles
SODAGRI : Société de développement agricole et industriel du Sénégal
SONEES : Société nationale d’exploitation des eaux du Sénégal
SONES : Société nationale des eaux du Sénégal
TIG : Travaux d’intérêt général
UE : Union européenne
USAID : Agence des États-Unis pour le développement international
BIBLIOGRAPHIE
Cinam, Seresa (1959). Rapport Général sur les perspectives de développement du Sénégal, 1ère édition Dakar, 2 vol.
Vernière, M. (1973). « Pikine, ville nouvelle » de Dakar. Un cas de pseudo-urbanisation », L’espace géographique / année 1973 / 2-2 : pp. 107-126.
Lô, M. (2017) : « Émergence économique des Nations : Définition et mesure », Harmattan Sénégal. ISBN : 2343118477. 114 p.
Mbaye, 2012, In Sénégal (République du), 2009, Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Hydraulique urbaine, de l’Hygiène publique et de l’Assainissement, Direction de l’Assainissement – (Programme d’Eau Potable et d’Assainissement du Millénaire, Revue annuelle. Bilan de la composante Assainissement rural du Pepam, Dakar, 26 diapositives.
Mbow L. S., (1992) – Dakar, croissance et mobilité urbaine. – Th. Etat : Géo : université de Paris X–Nanterre – 710 p.
Thiam, M. D. (2013). « Les inondations au Sénégal (2000-2011) : une gestion erratique ». : 691-730, 3 cartes, In Momar Coumba Diop (dir.) – Sénégal (2000-2012). Les institutions et politiques publiques à l’épreuve d’une gestion libérale, Dakar : CRES-KARTHALA.
Thoré Luc, 1962, Dagoudane-Pikine, Etude démographique et sociologique, 1962, Bulletin de l’Ifan, T. XXIV, sér. B, n°1-2, 155-198.
Ministère du Développement, du Plan et de la Coopération technique (1961), Premier Plan quadriennal de développement 1961-1964, 1961, République du Sénégal.
Ministère du Plan et du Développement (1965), Deuxième Plan quadriennal de Développement pour la période 1965-1969, République du Sénégal, Dakar.
Ministère du Plan et de l’Industrie (1969). Troisième Plan quadriennal de Développement Economique et Social 1969-1973, République du Sénégal, Dakar.
Ministère du Plan et de la Coopération (1973). Quatrième Plan quadriennal de Développement Economique et Social 1973-1977, République du Sénégal, Dakar.
Ministère du Plan et de la Coopération (1977). Cinquième Plan quadriennal de Développement Economique et Social 1977-1981, République du Sénégal, Dakar.
Ministère du Plan et de la Coopération (1981). Sixième Plan quadriennal de Développement Economique et Social 1981-1984, Tome II, République du Sénégal, Dakar.
Ministère du Plan et de la Coopération (1984). Septième Plan de Développement Economique et Social 1984-1989, République du Sénégal, Dakar.
Ministère du Plan et de la Coopération (1989). Plan d’orientation pour le Développement Économique et Social 1989-1995 (VIIIe Plan), République du Sénégal, Dakar.
Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan (Direction de la planification) (1996). Plan d’orientation pour le Développement Economique et Social 1996-2001 (IXe Plan), République du Sénégal, Dakar.
Ministère du Plan et du Développement durable (2004). Projet de Plan d’orientation pour le développement economique et social 2002-2007 (Xe Plan), République du Sénégal, Dakar.
République du Sénégal (2014). Plan Sénégal Emergent 2014, Dakar.
Références juridiques (Lois, Décrets et Arrêtés)
Décret n° 96-662 du 7 juillet 1996 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Office National de l’Assainissement du Sénégal.
Arrêté n° 19- 09-2007 fixant la liste des services et organismes du système statistique national chargés de la production des statistiques publiques.
L’article 15 du décret 96-662 fixe notamment comme ressources de l’ONAS
Loi n°1961/32 du 13 mai 1961 relative au Premier Plan Quadriennal de développement Économique et Social pour la période 1961-1964.
Loi n° 1967/38 du 30 juin 1967 portant ajustement du IIe Plan quadriennal de développement économique et social.
Loi n° 1969/53 du 16 juillet 1969 instituant un IIIe Plan quadriennal de développement économique et social.
Loi n° 1971/53 du 28 juillet 1971 portant réajustement du IIIe Plan quadriennal de développement économique et social.
Loi n° 1981/49 du 07 juillet 1981 instituant le VIe Plan quadriennal de développement économique et social.
Loi n° 1984/34 du 23 juillet 1984 portant approbation du VIIe Plan quadriennal de développement économique et social.
Loi n° 96-02 du 22 février 1996 autorisant la création de l’Office national de l’Assainissement du Sénégal.
Webographie
http://www.budget.gouv.sn/archives-des-documents-sur-le-budget-du-senegal/lfi, consulté le 17 septembre 2019.
http://www.dri.gouv.sn/search/node/plan%20quadriennal%20de%20d%C3%A9veloppement%20%C3%A9conomique%20et%20social, consulté le 06 août 2019.
[1] Université Cheikh Anta Diop, Faculté des Lettres et sciences humaines, département de géographie.
[2] Université Cheikh Anta Diop, Institut Fondamental d’Afrique noire, laboratoire de géographie.
[3] Nom de la localité qui abrite le site d’exploitation des eaux, située au Sud du lac de Guiers.
[4] Voir la liste sigles et acronymes en fin de texte
[5] Lô M. (2017) : Émergence économique des Nations. Définition et mesure, Harmattan Sénégal, Mars 2017.
[6] C’est dans ce contexte que le quartier dit Tilène, est devenu Médina, est érigé à la limite du Plateau.
[7] Pompes manuelles fabriquées au Sénégal par des artisans.
[8] Voir à ce sujet, le contentieux et la suite par rapport aux événements politiques (hivernage 2011 et contexte électoral jusqu’en février 2012).
[9] La SDE a été remplacée par la Sen’Eau (2019).
[10] Désignation administrative effacée de la carte et de l’organigramme de la région par la réforme introduite par l’Acte III de la Décentralisation.
[11] L’unité monétaire évoquée dans le texte est exprimée en CFA.
[12] Sen’Eau en 2020.
[13] Ce taux est surtout soutenu par les grands projets d’hydraulique agricole enregistrés au Plan V.